Le Kirchenkar n’a pas seulement accueilli un deuxième slalom en deux hivers : il a renversé tout ce que Levi semblait esquisser. Là-haut, entre une neige retravaillée au soleil du matin et une piste encore marquée par les précipitations des jours précédents, le slalom masculin a trouvé sa ligne directrice : l’imprévu. Et dans cet imprévu, un Français, un Belge et un Norvégien ont dessiné un podium que personne n’aurait anticipé douze portes plus tôt.

Feuille de course — Gurgl 2025

1. Paco Rassat (FRA) — 1:44.55 (21e temps M1, meilleur temps M2)

2. Armand Marchant (BEL) — 1:44.62 (+0''07)

3. Atle Lie McGrath (NOR) — 1:44.64 (+0''09)

4. Timon Haugan (NOR) — 1:44.84

5. Tanguy Nef (SUI) — 1:45.20

6. Dominik Raschner (AUT) — 1:45.25

Avec Paco Rassat en vainqueur surgissant de la 21e place du premier run, Armand Marchant en podium historique et Atle Lie McGrath en puissance retrouvée, Gurgl a installé une vérité nouvelle : cette discipline hivernale n’a aujourd’hui aucun maître. Les favoris sortent, les seconds rôles remontent, les nations fortes avancent en décalage — et l’hiver olympique s’ouvre sans qu’un nom ne domine vraiment le paysage.

Paco Rassat, le jour où tout bascule

À Levi, il avait déjà montré un ski clair, posé, capable d’accélérations juste quand il le fallait. À Gurgl, Rassat a changé de dimension. Son premier run n’avait rien d’une promesse : un 21e temps trop lointain pour envisager autre chose qu’une remontée mesurée. Puis la deuxième manche est arrivée — vive, propre, engagée — et tout s’est déplacé. Le Français a laissé la trace la plus nette du jour et a pris une victoire qu’il n’avait jamais effleurée jusque-là.

À 27 ans, il devient le 17e Français vainqueur d’un slalom de Coupe du monde, et surtout le leader d’une discipline qu’il n’était pas censé dominer. Le dossard rouge tient sur ses épaules comme une surprise parfaite.

Classement slalom après deux courses

1. Paco Rassat (FRA) — 140 pts

2. Lucas P. Braathen (BRA) — 126 pts

3. Clément Noël (FRA) — 102 pts

4. Timon Haugan (NOR) — 95 pts

5. Armand Marchant (BEL) — 80 pts

Armand Marchant, un podium pour l’histoire

La Belgique avait depuis longtemps de bons techniciens : des skieurs capables de prendre un top 30, parfois un top 15, rarement plus. À Gurgl, cette limite a cédé. Armand Marchant, à 27 ans lui aussi, a trouvé la fenêtre parfaite — celle d’un second run ouvert aux audacieux — pour offrir à son pays son tout premier podium en Coupe du monde.

La performance est plus qu’un résultat : c’est un symbole. Elle installe la Belgique dans le paysage, donne une suite à des années d’efforts silencieux et ouvre soudain l’idée qu’une nation sans massif peut, un jour précis, entrer pleinement dans la conversation.

Norvège : densité et rebond

La Norvège n’a plus de patron unique. Mais elle a une profondeur rare. McGrath, impeccable en première manche, solide en seconde, retrouve le podium après la frustration de Levi. Haugan confirme ce que tout le monde voit depuis un an : un ski stable, lisible, qui s’installe dans la constance. Sandvik, plus jeune, avance à petits pas mais avec une clarté réjouissante.

Kristoffersen, lui, reste un mystère : précis, courageux, mais prisonnier d’un ski qui n’accroche plus comme autrefois. Deux courses, deux places décroisées, et encore aucun podium.

France : une victoire, mais surtout un ensemble

Gurgl n’offre pas qu’une victoire française. Il offre une équipe qui, sur deux week-ends, a pris sa place dans le décor. Rassat gagne. Muffat-Jeandet prend la 7e place, solide. Noël termine 12e ex aequo, encore irrégulier mais présent. Amiez se glisse 15e. La France signe un bloc homogène, mobile, capable de courir après un podium collectif autant qu’après une victoire individuelle.

Les Français à Gurgl

1. Rassat — 1:44.55

7. Muffat-Jeandet — 1:45.28

12. ex aequo Noël — 1:45.54

15. Amiez — 1:45.64

Après Levi : 2e (Noël), 6e (Rassat), 8e (Amiez).

Autres nations : questions en suspens

Autriche : six hommes dans les points, mais aucun sur le podium à domicile. Raschner remonte magnifiquement. Feller craque en seconde manche. Schwarz reste loin. Rien n’est perdu, mais rien n’est net.

Suisse : la cinquième place de Nef fait du bien, mais Meillard, Rochat et Aerni sortent. Le ski helvétique cherche toujours son assise technique.

Italie : Vinatzer progresse, Kastlunger disparaît. L’équipe oscille sans trouver son rythme.

États-Unis : aucun qualifié pour la seconde manche. Un éclair sur deux courses — mais trop intermittent pour entrer dans le tableau.

Finlande : Hallberg, 3e à Levi, sort en seconde manche. Le contraste est brutal. Gurgl rappelle que Levi était une exception, pas encore une régularité.

25 ans de victoires françaises en slalom

Bourgeat ouvre (2001), Vidal confirme (2006). Entre 2008 et 2015, Grange et Lizeroux restaurent une lignée technique forte. Pinturault prolonge (2013–2020). Noël domine la décennie (2019–2025). Rassat ajoute son nom en 2026.

Levi & Gurgl : deux courses, un même constat

Levi avait été la scène d’une triple surprise : un Brésilien vainqueur, un Français renaissant, un Finlandais porté par son histoire locale. Gurgl redonne la main à d’autres — mais du même registre : des hommes qui saisissent la seconde manche, qui jouent sur les pistes mouvementées, qui transforment un classement moyen en opportunité.

Dans les deux cas, les favoris ont vacillé, les outsiders ont brillé et la hiérarchie n’a tenu qu’une manche. Ce qui, pour une saison olympique, n’est peut-être pas un défaut mais une promesse.

Une discipline sans propriétaire

Deux week-ends et deux vérités : un leader improbable, une densité norvégienne, une France soudain très large, une Belgique qui entre dans le tableau. Le slalom masculin avance sans gouvernance claire. Il ne promet rien, mais il offre des possibilités. Et ces possibilités — comme à Gurgl — appartiennent à ceux qui savent les saisir dans le second run.

Prochain rendez-vous : Val d’Isère, le 14 décembre. Le dossard rouge sera tricolore.