Le calendrier ne fait pas toujours de cadeau aux slalomeuses. Cette saison encore, Gurgl arrive juste après le bloc Levi, avec ses chiffres pour Mikaela Shiffrin et son imaginaire déjà bien installé. En comparaison, le Kirchenkar fait presque figure de page blanche : une seule édition au compteur, pas encore de classement historique à citer de mémoire, et une piste qui partage tout avec les hommes – profil, homologation, préparation – mais presque rien encore avec la mémoire collective du circuit féminin.
Localisation : Hochgurgl (Ötztal, AUT)
Étymologie : « Kirchenkar » = le kar (cirque glaciaire) de l’église.
Altitudes : départ 2 475 m – arrivée 2 265 m
Dénivelé : 210 m
Homologation : 15061/10/23
Portes : env. 65 par manche (référence 2024)
Neige typique : très dure, préparée pour résister à deux manches complètes, températures positives possibles à l’arrivée.
C’est précisément ce qui rend cette deuxième épreuve intéressante. On connaît désormais la géographie : départ à 2 475 m, arrivée à 2 265 m, 210 m de dénivelé encaissés en une seule respiration, une neige travaillée pour rester dure et lisible, même en fin de deuxième manche. On sait aussi que la combinaison « mur compact + tracé serré » ne laisse guère de place à l’improvisation. Gurgl exige de tenir la ligne, pas de la réinventer.
Trois trajectoires avant Gurgl
Levi n’a offert qu’un seul slalom aux dames cette année, et il a déjà posé les premières lignes de force : Shiffrin sur son tempo d’ouverture, Colturi dans une continuité remarquable, Aicher au rendez-vous, Ljutic dans la construction, Moltzan et Dürr solides. De quoi arriver à Gurgl avec trois trajectoires bien distinctes.
- Celles qui ont validé Levi, avec des points lourds et un début de hiérarchie assumé. Pour ces skieuses, Gurgl n’est pas une confirmation mais la possibilité d’installer une avance stratégique dans un hiver où l’on comptera chaque week-end.
- Celles qui ont laissé passer leur entrée et voient dans le Kirchenkar une chance immédiate de recoller. Pas de sentimentalisme ici : la piste est neuve dans l’histoire du circuit, mais elle ne pardonne aucune approximation. C’est l’endroit idéal pour effacer un faux départ.
- Celles, enfin, qui pensent déjà en année olympique. Pour elles, le slalom 2025 ne se résume ni à un globe ni à une médaille : c’est un arbitrage permanent entre régularité Coupe du monde, adaptation des volumes, et gestion du pic de forme. Gurgl leur offre un test instructif : terrain exigeant, lecture simple, intensité continue.
Dans cette saison plus courte qu’elle n’en a l’air, chaque course deviendra un marqueur. Gurgl arrive tôt, mais il dit déjà quelque chose de la manière dont chacune construit — ou reconstruit — son hiver olympique.
Gurgl 2024. Première visite des dames sur le Kirchenkar, premier message clair : victoire de Mikaela Shiffrin devant Lara Colturi et Camille Rast, avec un top 10 très dense où l’on trouvait déjà Holdener, Dürr, Moltzan, Liensberger, Hector, Ljutic et Meillard. Une piste neuve, mais immédiatement sélective, qui récompense les skieuses capables d’aligner deux manches pleines sur une neige très dure.
Levi 2025. Le début d’hiver confirme le duo de tête : nouveau doublé Shiffrin–Colturi, Emma Aicher sur le podium, et un peloton solide emmené par Moltzan, Dürr, Ljutic, Dvornik, Holdener ou Chevrier. Les écarts restent contenus, mais la répétition des noms en haut du classement laisse déjà entrevoir une hiérarchie de fond.
Autriche à domicile, Europe en profondeur
Pour les Autrichiennes, le Kirchenkar a évidemment un goût particulier : même piste que les hommes, même public, même attente de résultats visibles à domicile, alors que le slalom féminin cherche encore sa relève stable. La course ne se résume pourtant pas à ce seul bloc rouge-blanc-rouge.
Pour les Suissesses, les Italiennes et les Suédoises, il s’agit surtout d’installer une présence régulière dans le haut du tableau sur une piste qui ne porte la signature de personne. Gurgl n’appartient encore à aucun camp : ce sont les résultats de ce début d’hiver qui diront si une hiérarchie durable commence à s’y dessiner.
Extension de Levi ou laboratoire ouvert ?
La question, au fond, est simple : Gurgl va-t-il devenir une extension logique de Levi – avec les mêmes noms en haut du classement – ou offrir une respiration différente, plus favorable aux techniciennes capables d’empiler les manches propres sur une glace sans surprise ?
La réponse tiendra en deux runs. Mais au moment de quitter l’Ötztal, on saura déjà si le Kirchenkar commence à se construire une petite tradition côté dames, ou s’il reste encore, pour un hiver de plus, un laboratoire ouvert.
F.R. ARP
Tendance Ski25. Shiffrin reste la référence structurelle du slalom, mais son programme global et la densité du champ ouvrent la porte à un globe plus disputé qu’il n’y paraît. Notre fil rouge pour 2025 s’appelle Lara Colturi : podium à Gurgl, podium à Levi, profil d’héritière naturelle du globe de spécialité, capable maintenant de capitaliser sur la régularité plutôt que sur quelques coups d’éclat isolés.