LEVI, Finlande — Dimanche 16 novembre 2025 — Une nouvelle fois ce week-end, sous les projecteurs de Levi Black, le slalom masculin a livré l'une des courses les plus improbables de la saison olympique. Lucas Pinheiro Braathen, l'ex-Norvégien devenu Brésilien, s'impose et offre au Brésil sa première victoire historique en Coupe du Monde de ski alpin. Clément Noël (FRA), champion en titre à Levi, termine deuxième à 0,31 seconde. Mais le véritable coup de tonnerre vient de Finlande : Eduard Hallberg, 22 ans, décroche le bronze à domicile et signe le premier podium finlandais en slalom depuis Kalle Palander. Henrik Kristoffersen (NOR), tenant du globe de la spécialité, s'effondre à la treizième place. Loïc Meillard (SUI), champion du monde, termine quatorzième. Une nuit arctique de tous les bouleversements qui ouvre la course aux Jeux de Milano Cortina 2026 sous le signe de l'audace et de l'imprévisible. Quelle est la place de la stratégie pré-olympique dans ses performances ? Il faut encore attendre quelques courses pour le savoir.

Première Manche : Braathen Domine, Hallberg Surgit

Dès la première manche, Lucas Pinheiro Braathen annonce la couleur. Parti avec le dossard 4, le Brésilien réalise une descente parfaite : fluide sur le plat, explosif dans la pente, impeccable dans les transitions. Temps de référence : 54.13. "J'avais un plan et une stratégie, et je les ai suivis. Je sais que quand je suis mon plan, j'ai beaucoup de potentiel", confiera-t-il après la course.

Derrière lui, Clément Noël gère moyennement la banane d'entrée mais signe un bas de tracé solide pour pointer à la deuxième place (+0.41). Le Français, champion en titre à Levi, est dans le coup. Timon Haugan (NOR), troisième provisoire (+0.49), confirme sa forme éclatante du début de saison. Linus Strasser (GER), médaillé de bronze à Saalbach, se glisse quatrième (+0.85) avec la régularité qui le caractérise.

Et puis vient Eduard Hallberg, dossard 29, finlandais, vingt-deux ans, devant son public. Le grondement commence dès le premier intermédiaire : Hallberg est rapide. Très rapide. Il attaque la pente avec une audace qui électrise la foule. A l'arrivée, cinquième temps provisoire : 55.03, à seulement 0.90 seconde de Braathen. Levi Black explose. Les drapeaux finlandais ondulent dans la nuit arctique. Le rêve est permis.

Eduard Hallberg en action lors de la première manche
Eduard Hallberg enflamme Levi Black avec une première manche parfaite - API Alamy

Fabio Gstrein (AUT), septième provisoire, et Steven Amiez (FRA), huitième, se qualifient également pour la finale. Mais les chocs viennent des grands absents du top 10. Loïc Meillard (SUI), champion du monde, ne trouve pas ses marques et termine dixième de la première manche (+1.32). Pire encore : Henrik Kristoffersen (NOR), tenant du globe de slalom, commet plusieurs erreurs techniques et pointe neuvième (+1.23). L'énigme de Levi persiste pour Meillard. Le patron norvégien vacille.

Au terme de cette première manche, une certitude : tout est possible. Braathen est favori, Noël peut revenir, Haugan rôde. Mais c'est bien Eduard Hallberg qui concentre tous les regards. Peut-il tenir ? Peut-il offrir à la Finlande son premier podium en slalom depuis seize ans ? La réponse viendra sous les projecteurs de la finale.

Deuxième Manche : Hallberg Tient, Braathen Triomphe, Les Favoris Explosent

La deuxième manche s'annonce sous haute tension. Les trente qualifiés s'élancent sur un tracé piégeux, où les ornières se creusent à chaque passage. Et dès les premières descentes, l'inattendu frappe.

💥 Laurie Taylor (GBR), quinzième après la première manche, réalise un run phénoménal. Le Britannique de 29 ans attaque chaque porte avec une détermination féroce et signe le meilleur temps de la manche : 55.73. Il bondit à la première place provisoire, devançant tous les favoris. La foule reste bouche bée. Taylor, ancien 34ème mondial, vient de réaliser la course de sa vie.

Mais la vraie question demeure : Eduard Hallberg peut-il tenir ? Parti cinquième, le Finlandais s'élance sous les hurlements de son public. Première section : propre. Pente : engagée. Transitions : fluides. À l'arrivée, sixième meilleur temps de la manche (56.26), suffisant pour prendre provisoirement la tête avec quatre centièmes d'avance sur Taylor. La Levi Black est en folie. Eduard Hallberg savourera-t-il un podium ?

Lucas Pinheiro Braathen célèbre sa victoire
Lucas Pinheiro Braathen célèbre la première victoire brésilienne de l'histoire en Coupe du Monde - @WorldCupLevi

Les gros bras s'élancent. Et les déceptions s'accumulent. Henrik Kristoffersen, tenant du globe commet une faute dans le haut du tracé et termine avec un temps catastrophique. Treizième au final (+1.47), le patron du slalom mondial s'effondre. Loïc Meillard, champion du monde, ne fait guère mieux : quatorzième (+1.48). Atle Lie McGrath (NOR), vice-champion du monde, sort de piste en deuxième manche. Il n’est plus là question de stratégie : ce sont des erreurs.

Trois des cinq premiers du classement mondial vacillent. Une hécatombe. Levi, piste courte et nerveuse, ne pardonne rien. Ni l'hésitation, ni l'erreur technique, ni le doute mental. Ce soir, seuls les audacieux survivent.

Timon Haugan, troisième après la première manche, commet lui aussi une faute dans le haut et rétrograde cinquième (+0.77). Paco Rassat (FRA), treizième à mi-course, réalise une belle remontée pour terminer sixième (+1.04). Steven Amiez (FRA) se maintient huitième (+1.26). Les Tricolores assurent.

Reste Clément Noël. Le Français, champion olympique 2022, s'élance en position de dauphin. Propre, précis, constant. Il allume du vert partout et dépasse Hallberg de vingt-six centièmes. Deuxième place assurée. Le podium finlandais tient toujours.

Lucas Pinheiro Braathen, dernier à s'élancer, ne tremble pas. Ski fluide, trajectoire posée, gestion parfaite du tracé. Il s'impose avec 0.31 seconde d'avance sur Noël et décroche une victoire historique : la première du Brésil en Coupe du Monde de ski alpin. "Il y a beaucoup de fierté là dedans", confiera-t-il, ému, au micro. En septembre dernier, il avait prophétisé à l'Associated Press : "La victoire viendra, et elle viendra bientôt." Parole tenue ! Cette année, un renne lapon aura un parrain brésilien.

Hallberg : Le Rêve Finlandais Devenu Réalité

Eduard Hallberg n'y croyait pas lui-même. Cinquième après la première manche, à moins d'une seconde de Braathen, le Finlandais savait qu'un podium était possible. Mais entre le possible et le réel, il y a un gouffre. Un gouffre qu'il a franchi sous les hurlements du public de Levi Black.

"Meilleur temps pour Hallberg !!!", hurle le commentateur d'Eurosport alors que le Finlandais franchit les premiers intermédiaires en deuxième manche. "Exceptionnel ! Il est en feu sur sa piste !" La foule n'en croit pas ses yeux. Eduard, le discret, le patient, le pianiste de la méthode autrichienne, joue soudain fortissimo.

Sixième meilleur temps de la manche (56.26), suffisant pour conserver sa troisième place et décrocher le premier podium finlandais en slalom depuis seize ans. Kalle Palander, dernier Finlandais à monter sur un podium de slalom en Coupe du Monde, avait pris sa retraite en 2009. Depuis : le désert. Jusqu'à aujourd'hui.

Hallberg incarne la renaissance du slalom finlandais. Formé sous la houlette d'un entraîneur autrichien — la Finlande a importé le savoir-faire alpin —, il applique la méthode dite "piano ma non troppo" : patience en début de carrière, de saison, crescendo progressif, fortissimo au bon moment. À Saalbach, en février dernier, il avait terminé douzième du championnat du monde, meilleur résultat finlandais depuis Palander. À Levi, devant son public, il confirme qu'il n'est pas un accident de parcours. Il est l'avenir.

Kalle Palander - 2001 Sestrière
Eduard Hallberg offre à la Finlande son premier podium en slalom depuis Kalle Palander (ici en 2001) - co.ARP SP

"C'est fou", confit-il après la course, la voix tremblante d'émotion. "Je savais que j'étais capable de bien skier ici, mais un podium… Je n'osais pas y croire. Maintenant, c'est fait. Pour moi, pour la Finlande, pour tous ceux qui m'ont soutenu."

La Finlande n'a pas de montagnes. Pas d'alpes, pas de tradition alpine comparable à l'Autriche ou à la Suisse. Mais elle a de la glace, de la neige, de la ténacité. Et désormais, elle a Eduard Hallberg, l’un des Fearless Finish, troisième du slalom de Levi, héros d'une nation qui refuse de croire que la géographie dicte le destin.

Cinq Finlandais étaient au départ aujourd'hui. Quatre n'ont pas passé la première manche. Jesper Pohjolainen, frère de Rosa (28ème chez les dames hier), a tenté d'appliquer la partition à la lettre. Mais à Levi, sous la pression d'une première Coupe du Monde à domicile, le crescendo n'est pas venu. Trente-et-unième après la première manche (56.40), à six dixièmes de la qualification. On sent néanmoins bien l’empreinte d’une même musique, d’une même technique. Rosa avait trouvé l'accélération nécessaire pour terminer samedi. Jesper, lui, est resté trop longtemps en retenue. La méthode est bonne. L'exécution viendra. Piano aujourd'hui, fortissimo demain.

Mais ce soir, c'est Eduard qui porte l'espoir finlandais. Et il le porte jusqu'au podium. Milano Cortina 2026 ? Dans trois mois, le Finlandais y sera. Avec, désormais, la confiance d'un athlète qui sait qu'il peut battre les meilleurs. Quand ça compte. Devant son public. Sous les étoiles arctiques.

Braathen : La Prophétie Brésilienne

Lucas Pinheiro Braathen avait tout annoncé. En septembre dernier, dans une interview à l'Associated Press, il avait prophétisé : "La victoire viendra, et elle vient bientôt." Trois mois plus tard, sous les projecteurs de Levi Black, le Brésilien d'adoption tient parole. Et quelle parole.

Né en Norvège, formé en Norvège, globe de slalom 2022-2023 sous les couleurs norvégiennes, Lucas Pinheiro Braathen a tout gagné avec la nation scandinave. Cinq victoires en Coupe du Monde, des podiums à la chaîne, une réputation d'explosif capable du meilleur comme du pire. Puis la rupture. Un conflit avec la fédération norvégienne sur ses droits marketing personnels. Lucas veut garder le contrôle de son image. La fédération refuse. Il quitte l'équipe nationale. Prend une année sabbatique. Disparaît des radars.

Et revient en 2024 sous les couleurs du Brésil, pays de sa mère. Premier skieur brésilien en Coupe du Monde depuis 2016, il enchaîne cinq podiums lors de sa première saison. Mais aucune victoire. Proche à plusieurs reprises, jamais au sommet. "Ça viendra", répétait-il. "Je sais que quand je suis mon plan, j'ai beaucoup de potentiel."

Lucas Pinheiro Braathen
Lucas Pinheiro Braathen offre au Brésil sa première victoire en ski alpin - @WorldCupLevi

Ce dimanche, le plan est parfait. Première manche : 54.13, meilleur temps, 0.41 seconde d'avance sur Noël. Attaque sur le plat, explosivité dans la pente, fluidité dans les transitions. Braathen ne laisse rien au hasard. "J'avais un bon feeling. J'avais un plan et une stratégie, et je les ai suivis", expliquera-t-il.

En deuxième manche, la pression monte. Il est dernier à s'élancer. Noël vient de prendre la tête provisoire. Hallberg tient son podium finlandais. Mais Braathen ne vacille pas. Ski fluide, trajectoire posée, gestion mentale impeccable. À l'arrivée, 56.59, suffisant pour conserver la première place. Victoire : 1:50.72, avec 0.31 seconde d'avance sur le Français.

Le Brésil, nation de football et de samba, vient de remporter sa première victoire en Coupe du Monde de ski alpin. Jamais une médaille olympique, jamais une médaille mondiale, jamais une victoire en CDM. Jusqu'à Lucas Pinheiro Braathen. Jusqu'à Levi. Jusqu'à aujourd'hui.

"Il y a beaucoup de fierté dans ça", confiera-t-il au micro, visiblement ému. "Porter les couleurs du Brésil, c'est spécial pour moi. Ma mère est brésilienne, c'est mon pays aussi. Cette victoire, c'est pour le Brésil, pour ma famille, pour tous ceux qui ont cru en moi."

À vingt-cinq ans, Lucas Pinheiro Braathen entre dans l'histoire. Pas seulement l'histoire du ski brésilien — qui commence aujourd'hui — mais aussi celle du slalom mondial. Car sa trajectoire pose une question essentielle : peut-on changer de nation, prendre une année sabbatique, revenir au sommet et triompher ? Lucas vient de répondre : oui. Avec panache. Avec audace. Avec un plan. Et beaucoup de potentiel.

Noël : Le Champion Confirme

Clément Noël ne gagne pas. Mais Clément Noël ne perd jamais vraiment. Champion en titre à Levi après sa victoire écrasante de novembre 2024 (+0.80 secondes sur Kristoffersen), le Français termine deuxième aujourd'hui. Podium assuré, titre défendu avec panache, saison ouverte du bon pied.

En première manche, Noël gère moyennement la banane d'entrée — cette section plate qui ouvre le tracé de Levi Black — mais signe un bas de parcours solide pour pointer deuxième provisoire (+0.41). Le champion olympique 2022 est dans le coup. Pas devant, mais jamais loin. C'est son style. Explosif, parfois fragile, toujours capable de revenir.

En deuxième manche, la course devient un thriller. Laurie Taylor (GBR) explose le chrono. Eduard Hallberg tient son podium finlandais. Kristoffersen et Meillard s'effondrent. Noël, lui, ne vacille pas. Parti en position de dauphin, il réalise une manche propre, précise, constante. Dixième temps de la manche (56.49), mais suffisant pour dépasser Hallberg de vingt-six centièmes et assurer la deuxième place. À l'arrivée, 1:51.03, à seulement 0.31 seconde de Braathen. Podium garanti. Mission accomplie.

Clément Noël lors de la deuxième manche
Clément Noël, deuxième, défend son titre de champion à Levi avec un podium solide - @WorldCupLevi

"C'est une belle deuxième place", confie-t-il en zone mixte. "Lucas a été très fort aujourd'hui. Je savais que ça allait être difficile de le rattraper. Mais je suis content de mon ski. Propre, engagé, sans erreur. C'est exactement ce qu'il fallait faire."

Noël incarne le paradoxe du slalom moderne. Sur les trois dernières saisons, il affiche le meilleur avg rank du circuit : 4.36. Meilleur que Kristoffersen (5.20), meilleur que Meillard (5.79). Le Français, quand il termine, termine devant. Le problème ? Il ne termine que trois courses sur quatre. Finish ratio sur trois ans : 66.7%. Il progresse néanmoins : 75% en 2025 (9 courses terminées sur 12).

Clément Noël, c'est podium ou sortie de piste. Rarement entre les deux. Mais quand il tient debout, il est redoutable. Aujourd'hui, il tient. Et ça suffit pour un podium arctique qui ouvre sa saison olympique du bon pied.

Avec Paco Rassat (6ème) et Steven Amiez (8ème), la France place trois skieurs dans le top 10. Un bilan tricolore solide qui augure bien de la suite de la saison. Victor Muffat-Jeandet, vingtième, se qualifie également en finale. Les Bleus sont là. Noël en tête, comme souvent. Pas toujours devant, mais toujours dans le coup.

L'Effondrement des Favoris : Kristoffersen et Meillard Sombrent

Henrik Kristoffersen était annoncé favori. Tenant du globe de slalom, double vainqueur à Levi (2018, 2024), finish ratio impressionnant de 92.3% sur la saison écoulée. Le Norvégien de trente-et-un ans devait ouvrir sa saison olympique en patron. Il termine treizième. Un naufrage.

Neuvième après la première manche (+1.23), déjà en difficulté, Kristoffersen commet une faute technique dans le haut du tracé en deuxième manche. Temps catastrophique : 56.83, dix-septième chrono de la finale. Il rétrograde à la treizième place (+1.47), loin, très loin du podium. Pour un skieur qui ne finit jamais hors du top 5 quand il termine, c'est une humiliation. Une alerte aussi.

"Il y a eu des erreurs", reconnaîtra-t-il laconiquement en zone mixte. Pas d'excuses, pas de justifications. Juste le constat amer d'une journée à oublier. Après sa treizième place au championnat du monde de Saalbach en février dernier, ce nouveau raté pose question : Kristoffersen peut-il encore gagner les grands rendez-vous ? Milano Cortina 2026 approche. Le temps presse.

Loïc Meillard
Loïc Meillard, champion du monde, termine 14ème : l'énigme de Levi persiste - @WorldCupLevi - PTB Creative

Loïc Meillard, champion du monde à Saalbach, ne fait guère mieux. Dixième après la première manche (+1.32), le Suisse espérait se relancer en finale. Mais Levi, piste courte et nerveuse, ne lui convient décidément pas. Temps moyen en deuxième manche (56.75), quatorzième rang final (+1.48). En six participations à Levi, Meillard n'a jamais fait mieux qu'une troisième place (2024). Cette année, forte de son titre mondial, il arrivait avec d'autres ambitions. Résultat : une nouvelle désillusion arctique.

"Je ne trouve pas mes marques ici", avouera-t-il. "C'est trop court, trop nerveux. Je n'arrive pas à exprimer ma fluidité. C'est frustrant, mais c'est comme ça. Il faut passer à autre chose."

L'effondrement des favoris ne s'arrête pas là. Atle Lie McGrath (NOR), vice-champion du monde, sort de piste en deuxième manche. Timon Haugan (NOR), trois victoires cette saison, commet une erreur coûteuse et recule cinquième. Linus Strasser (GER), bronze à Saalbach, s'effondre de la quatrième à la quinzième place.

Levi, piste exigeante, technique, piégeuse, ne pardonne rien. Ni l'hésitation, ni l'erreur, ni le doute. Ce soir, seuls les audacieux ont survécu. Braathen, Noël, Hallberg : trois skieurs qui ont pris tous les risques. Et qui ont tout gagné. Les autres, favoris sur le papier, rentrent bredouilles. Ou presque.

Les Surprises Britanniques : Taylor et Ryding

Laurie Taylor (GBR) n'était pas attendu. Quinzième après la première manche, à 1.47 seconde de Braathen, le Britannique de vingt-neuf ans semblait condamné à une place anonyme dans le top 15. Puis la deuxième manche a tout changé.

Taylor s'élance avec le dossard 32. La piste est encore fraîche, les ornières moins profondes. Il attaque chaque porte avec une détermination féroce, enchaîne les virages avec une fluidité parfaite, et franchit la ligne d'arrivée avec le meilleur temps de la manche : 55.73. Stupeur. Le Britannique prend la tête provisoire, devançant tous les favoris. Et y reste longtemps.

À l'arrivée, quatrième place finale (+0.61), à seulement quatre centièmes du podium. Dépassé in extremis par Eduard Hallberg, Taylor réalise néanmoins la course de sa vie. Meilleur résultat en carrière, meilleur temps de la manche, ovation du public. "Je ne réalise pas encore", confiera-t-il, les yeux brillants. "J'ai juste attaqué, pris tous les risques, et ça a payé."

Laurie Taylor et Dave Ryding célèbrent
Les Britanniques Laurie Taylor (4ème) et Dave Ryding (7ème) signent une journée historique - @WorldCupLevi

Dave Ryding (GBR), trente-neuf ans, vétéran du circuit, complète la belle journée britannique. Onzième après la première manche, il se maintient septième au final (+1.16). Pour le ski alpin britannique, nation sans tradition alpine majeure, placer deux skieurs dans le top 10 d'un slalom de Coupe du Monde est un exploit rare.

"On a prouvé qu'on pouvait rivaliser avec les meilleurs", résume Ryding. "Laurie a été exceptionnel aujourd'hui. Moi, j'ai fait mon job. Ensemble, on a montré que le ski britannique existe. Et qu'il compte."

Taylor et Ryding, comme Hallberg pour la Finlande, incarnent la victoire des nations sans montagnes. Des pays où le ski alpin n'est pas une évidence géographique, mais un choix. Un pari. Une obstination. Aujourd'hui, ce pari paie. Sous les étoiles arctiques de Levi, les outsiders ont brillé. Et les favoris ont sombré.

Tricolores : Rassat et Amiez Assurent

La France ne se résume pas à Clément Noël. Avec trois skieurs dans le top 10 et quatre qualifiés en finale, l'équipe de France masculine affiche une profondeur de banc impressionnante. Paco Rassat et Steven Amiez confirment qu'ils peuvent rivaliser avec les meilleurs.

Paco Rassat, vingt-sept ans, réalise une belle remontée. Treizième après la première manche (+1.38), il signe le cinquième meilleur temps de la deuxième (56.25) et bondit sixième au final (+1.04). "J'ai attaqué en deuxième manche", explique-t-il. "Je savais que j'avais une marge. J'ai pris mes risques, et ça a payé. Sixième, c'est un super résultat pour démarrer la saison."

Steven Amiez, vingt-sept ans également, assure la régularité. Huitième après la première manche, il se maintient huitième au final (+1.26). Pas spectaculaire, mais solide. "Dans le slalom moderne, finir dans le top 10, c'est déjà un succès", résume-t-il. "Il y a tellement de niveaux. Je suis content de ma course."

Victor Muffat-Jeandet, trente-six ans, le vétéran de l'équipe, se qualifie en finale (vingtième, +1.96). Pas dans la lumière, mais toujours présent. Hugo Desgrippes et Antoine Azzolin, eux, ne passent pas le cut des trente. Mais l'expérience compte. Azzolin, rookie, disputait sa première Coupe du Monde. "Je reviendrai", promet-il.

Avec Noël sur le podium, Rassat dans le top 6, Amiez dans le top 10 et Muffat-Jeandet qualifié, la France affiche une solidité collective qui rassure. Milano Cortina 2026 approche. Les Bleus sont prêts. Et ils l'ont prouvé sous les projecteurs de Levi.

Le Renouveau Finlandais : Piano Ma Non Troppo

Cinq Finlandais au départ. Un sur le podium. Quatre en apprentissage. C'est le portrait d'une nation qui construit son avenir, pierre par pierre, run après run, sous la houlette de Mario Rafetzeder, entraîneur autrichien qui a importé une méthode : piano ma non troppo. L'équipe nationale finlandaise (groupes A et B) fonctionne sur l'émulation. "Il est important qu'il y ait une compétition positive dans l'équipe", explique Jesper Pohjolainen. "On a une bonne dynamique à l'entraînement, on se pousse mutuellement. La compétition nous développe tous les deux, et j'ai une bonne relation avec Eddie [Hallberg]. En plus de tout le reste, on s'amuse beaucoup à skier. C'est une grande aide de pouvoir discuter avec quelqu'un d'autre — c'est comme du sparring."

Piano, mais pas trop. C'est-à-dire : patience en début de saison, progression graduelle, crescendo au bon moment. Eduard Hallberg incarne parfaitement cette philosophie. Douzième au championnat du monde de Saalbach en février dernier, huitième à Gurgl en novembre 2024, troisième à Levi aujourd'hui. La courbe monte. Le crescendo s'installe. Et ce soir, il explose fortissimo.

Jesper Pohjolainen, frère de Rosa (28ème chez les dames hier), a tenté d'appliquer la partition à la lettre. Mais à Levi, sous la pression d'une première Coupe du Monde à domicile, le crescendo n'est pas venu. Trente-et-unième après la première manche (56.40), à six dixièmes de la qualification. Sa sœur Rosa, samedi, avait trouvé l'accélération nécessaire pour terminer vingt-huitième et marquer ses premiers points FIS. Jesper, lui, est resté trop longtemps piano. Trop longtemps en retenue. Sur la fin du parcours, l'accélération manquait. Six dixièmes. La différence entre la qualification et la déception.

"La méthode est bonne", analyse Mario Rafetzeder. "Jesper a bien skié. Mais il faut apprendre à jouer crescendo au bon moment. Rosa l'a fait samedi. Eduard l'a fait aujourd'hui de manière magistrale. Jesper y arrivera. C'est une question de temps, d'expérience, de confiance."

Eduard Hallberg célèbre avec le public finlandais
Eduard Hallberg, héros national, célèbre le premier podium finlandais depuis Kalle Palander - @WorldCupLevi

Salomo Sirvio, Turo Torvinen et Felix Maksimow (rookie de dix-neuf ans) sont sortis en première manche. L'apprentissage est dur. Mais l'expérience compte. Chaque run disputé en Coupe du Monde est une leçon. Chaque erreur, une opportunité de progression. La Finlande n'a pas de montagnes. Pas d'alpes, pas de tradition séculaire. Mais elle a la volonté. La ténacité. Et désormais, un héros : Eduard Hallberg.

Successeurs de Kalle Palander et de Tanja Poutiainen (médaillée olympique de slalom en 2006, bronze à Turin), les jeunes Finlandais écrivent une nouvelle partition. Piano ma non troppo. Patience, crescendo, explosion. Eduard a montré la voie. Les autres suivront. Une génération après l'autre. Un run après l'autre. Jusqu'à ce que le fortissimo finlandais résonne à nouveau sur les podiums mondiaux.

Levi 2025 : La Nuit de Tous les Possibles

Lucas Pinheiro Braathen a offert au Brésil sa première victoire historique en Coupe du Monde de ski alpin. Clément Noël a défendu son titre avec un podium solide. Mais le véritable héros de cette nuit arctique porte un nom finlandais : Eduard Hallberg. Troisième à domicile, devant son public, sous les hurlements de Levi Black. Premier podium finlandais en slalom depuis seize ans. Une performance qui entre dans l'histoire.

Henrik Kristoffersen, tenant du globe, s'est effondré treizième. Loïc Meillard, champion du monde, termine quatorzième. Atle Lie McGrath, vice-champion du monde, est sorti de piste. Les favoris ont vacillé. Les outsiders ont brillé. Laurie Taylor (GBR) a réalisé le meilleur temps de la deuxième manche et terminé quatrième. Dave Ryding (GBR) complète le tableau avec une septième place. La France place trois skieurs dans le top 10. Les surprises se sont succédé, course après course, run après run.

Levi 2025 restera comme la nuit de tous les possibles. La nuit où le Brésil est entré dans l'histoire du ski alpin. La nuit où la Finlande a osé rêver. La nuit où les favoris ont sombré et les audacieux ont triomphé. Une nuit arctique qui ouvre la saison olympique sous le signe de l'imprévisible.

Milano Cortina 2026 approche. Dans trois mois, les meilleurs slalomeurs du monde se retrouveront en Italie pour les Jeux olympiques. Qui sera sur le podium ? Kristoffersen saura-t-il rebondir ? Meillard résoudra-t-il son énigme technique ? Hallberg confirmera-t-il qu'il peut rivaliser avec les meilleurs dans les grands rendez-vous ? Braathen continuera-t-il sa saga brésilienne ? Noël décrochera-t-il une deuxième médaille olympique ?

Les réponses viendront. Mais ce soir, une certitude : rien n'est écrit. Rien n'est garanti. Le slalom masculin reste la discipline la plus imprévisible du ski alpin. Celle où les outsiders peuvent renverser les favoris. Celle où un Finlandais de vingt-deux ans peut monter sur un podium historique. Celle où un Brésilien peut triompher sous les étoiles arctiques.

Bienvenue dans la saison olympique. Bienvenue dans la course aux rêves. Et aux médailles de Milano Cortina.

La Coupe du Monde reprend à Gurgl (Autriche) le 23 novembre avec un nouveau slalom. Kristoffersen saura-t-il se racheter ? Hallberg confirmera-t-il ? Braathen enchaînera-t-il sur le deuxième mouvement de sa symphonie du Nouveau Monde ?