Un premier acte serré sous un ciel capricieux

Dimanche matin à 10 heures, le glacier du Rettenbach offrait un visage bien différent de la veille. Le ciel variable de samedi avait laissé place à des conditions nettement plus difficiles, avec des chutes de neige intermittentes compliquant la visibilité. Le tracé du Belge Paul Epstein, pourtant situé en descente de départ abaissée, n'en était pas moins exigeant sur une piste déjà marquée par les passages de la course féminine de la veille.

Marco Odermatt, portant le prestigieux dossard 3, ne tarda pas à faire parler la poudre. Le Suisse de 28 ans, champion olympique et quadruple vainqueur du Globe de géant, signe un temps de référence à 58.18, devançant d'une infime marge de 0.01 seconde l'Autrichien Marco Schwarz, parti avec le dossard 8. Cette bataille au centième annonçait déjà le suspense de la seconde manche.

Derrière ce duel au sommet, Atle Lie McGrath confirmait l'excellente forme norvégienne en se plaçant provisoirement troisième. Le skieur scandinave, troisième l'an dernier sur ce même glacier lors du triplé norvégien historique, semblait bien parti pour renouveler sa performance. Stefan Brennsteiner, avec le dossard 1, réalisait une manche solide pour s'installer en quatrième position à 0.61, portant les espoirs autrichiens d'un doublé sur le podium.

Lucas Pinheiro Braathen, l'enfant prodige norvégo-brésilien qui court désormais sous les couleurs du Brésil pour sa deuxième saison, est sorti brutalement du tracé à mi parcours. Le skieur de 25 ans, vainqueur ici même en 2020 et quatrième l'an dernier pour la première historique du Brésil en Coupe du monde, a vu ses ambitions s'envoler. "C'est un équilibre délicat entre intensité, contrôle et précision, j'ai mal calculé aujourd'hui", analysait-il après coup, dépité. Le Brésil devrat encore attendre pour sa première victoire en Coupe du monde.

Henrik Kristoffersen, septième vainqueur du Globe de slalom l'hiver dernier, pointait en sixième position, tandis que Thibaut Favrot (dossard 13) et Raphael Haaser (dossard 16), champion du monde en titre de la discipline après son sacre surprise à Saalbach en février dernier, complétaient le top 8 de cette première manche disputée. L'Américain River Radamus, seul représentant des États-Unis, pourtant venus en force, qualifié pour la seconde manche, a terminé 21e à 1.89 du leader.

L'après-midi de la tempête et du suspense

À 13 heures, l'heure prévue pour la seconde manche, les conditions météorologiques s'étaient considérablement dégradées. Les chutes de neige s'intensifièrent, réduisant drastiquement la visibilité sur le parcours tracé par le Suisse Renzo Valsecchi. Les équipes durent évacuer la neige fraîche accumulée sur la ligne de course, retardant le départ d'une heure entière. Une attente qui mit les nerfs des favoris à rude épreuve.

Lorsque la course reprit enfin, c'est Raphael Haaser qui créa la sensation en signant le meilleur temps de la seconde manche avec un chrono fulgurant de 56.93, remontant de la huitième à la sixième place finale. Le champion du monde autrichien démontrait ainsi que son sacre mondial n'était pas un coup du hasard, confirmant sa progression en géant. "C'est toujours spécial d'être sur le podium, mais être sur le podium en Autriche, pour moi, ça compte énormément. Ma famille était là, c'est vraiment très beau", déclarait-il, rayonnant malgré sa sixième place.

Thibaut Favrot réalisait une excellente seconde manche pour se hisser à la cinquième place finale (+0.63), offrant à la France un résultat encourageant pour débuter la saison. Son compatriote Flavio Vitale complétait un joli doublé tricolore dans le top 10 (10e, +1.08), tandis qu'Alexis Pinturault, de retour après une longue absence depuis janvier, terminait 18e à 1.64 d'Odermatt.

Mais tous les regards convergeaient vers le haut du classement. Atle Lie McGrath, parti en neuvième position dans l'ordre inversé, délivra une manche de toute beauté pour s'emparer provisoirement de la tête. Le Norvégien, qui avouait avoir eu "une expérience hors du corps" durant sa première manche tant il était nerveux, se montra conquérant dans la seconde. "Le fait que ce soit si difficile – vous savez, nous appelons ça le temps viking – était vraiment agréable parce qu'alors vous n'aviez pas le choix. Vous deviez juste y aller", expliquait-il avec le sourire, satisfait de retrouver le podium après avoir été septième en première manche.

Odermatt magistral dans l'adversité

Restait Marco Schwarz à défendre sa deuxième place provisoire, puis Marco Odermatt pour tenter de préserver son avance microscopique. L'Autrichien signa une seconde manche agressive et propre, devançant McGrath de 0.03 seconde. La pression était désormais maximale sur les épaules du Suisse.

Mais Odermatt, champion dans l'âme, géra la situation avec le sang-froid qui fait sa réputation. Sa descente ne fut pas la plus rapide (57.85, sixième temps de la seconde manche), mais elle fut suffisamment maîtrisée pour conserver son avantage matinal et s'imposer avec 0.24 seconde d'avance sur Schwarz. Sa 46e victoire en Coupe du monde, sa 27e en géant, confirmant une fois de plus sa domination sur la discipline.

"C'était difficile pour tout le monde avec la visibilité, les petites chutes de neige, la pente, mais (les équipes de piste) ont fait du bon travail et moi aussi", résumait le Suisse avec humilité. "C'est le départ parfait pour une nouvelle saison. Vous donnez toujours beaucoup pendant l'été, mais vous ne savez pas vraiment où vous en êtes avant la première course, donc c'est très bien pour entrer dans la saison avec cette confiance déjà retrouvée."

Interrogé sur ses difficultés en fin de saison dernière en géant, Odermatt admit avoir recentré sa préparation estivale sur cette discipline : "J'ai vraiment mis l'accent à nouveau sur le géant pendant cette préparation. Ça en valait la peine, et j'emporterai cette bonne sensation dans les épreuves de vitesse." Arrivant en tête après avoir franchi la ligne, il lâcha un retentissant : "Toujours là !" Une manière de répondre à son abandon l'an dernier sur ce même glacier.

Cette troisième victoire consécutive à Sölden place Odermatt à égalité avec la légende autrichienne Hermann Maier avec trois succès dans la station tyrolienne. Ted Ligety (États-Unis) et ses quatre victoires sont désormais dans le viseur du Suisse, tout comme une kyrielle d'autres records. Avec quatre Globes de géant déjà en poche, une cinquième couronne cette saison l'égalerait avec l'Américain Ted Ligety au troisième rang historique, derrière Ingemar Stenmark (7) et Marcel Hirscher (6).

Les absents qui font parler

Si Odermatt a brillé, certaines absences ont marqué cette course inaugurale. Aleksander Steen Olsen, le vainqueur norvégien de l'an dernier qui avait mené le triplé scandinave historique, a déclaré forfait en raison d'une tendinite rotulienne persistante, cette inflammation du tendon patellaire qui relie la rotule au tibia. Une absence qui a privé la Norvège d'un potentiel nouveau podium complet.

Henrik Kristoffersen, deuxième du classement général du géant la saison passée et septième dimanche (+0.71), espérait mieux démarrer sa campagne. Le Norvégien de 31 ans, qui vise un cinquième Globe de slalom, devra se rattraper à Levi dans deux semaines.

Côté américain, River Radamus termina 21e, seul qualifié pour la seconde manche dans une équipe US en reconstruction après le retrait de certains cadres. L'Italien Alex Vinatzer (8e, +1.02) et le Slovène Žan Kranjec (9e, +1.05) complétèrent un top 10 cosmopolite et relevé.

Cap sur Levi et la suite du programme

Pour les géantistes, la prochaine étape ne sera qu'en décembre avec les classiques de Val d'Isère et Alta Badia. D'ici là, les techniciens auront rendez-vous à Levi, en Finlande, le 16 et 17 novembre pour les premiers slaloms de la saison, un terrain de chasse où Odermatt laissera la vedette aux spécialistes de la discipline courte.

Mais ce dimanche, sur les hauteurs enneigées du Rettenbach, Marco Odermatt a une fois de plus rappelé qu'il demeurait l'homme à battre sur le circuit mondial. À 15 300 spectateurs massés sur le glacier malgré les conditions difficiles, le Suisse a offert une démonstration de maîtrise et de sang-froid qui augure d'une saison olympique passionnante. Schwarz renaît, l'Autriche jubile, et Odermatt règne. La Coupe du monde 2025-2026 est lancée.

Résultats des Français - Géant hommes Sölden

Position Nom 1re manche 2e manche Temps total Écart
5 FAVROT Thibaut 59.02 57.64 1:56.66 +0.63
10 VITALE Flavio 59.50 57.61 1:57.11 +1.08
18 PINTURAULT Alexis 59.49 58.18 1:57.67 +1.64
20 ALPHAND Sam 1:00.18 57.87 1:58.05 +2.02
23 SARRAZIN Cyprien 1:00.23 58.15 1:58.38 +2.35

Excellent doublé tricolore dans le top 10 avec Favrot (5e) et Vitale (10e). Pinturault effectue son retour après une longue absence.